Alain Bruneel

Travail parlementaire

Agriculture : la majorité fait le choix de privilégier la loi du marché et non la loi qui protège !

Suite au vote de la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable », j’ai tenu à écrire aux agriculteurs de la circonscription pour expliquer ma position de vote.

L’Assemblée Nationale a adopté ce mercredi 30 mai 2018 le projet de de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Je tenais à vous exprimer les arguments qui m’ont conduit, avec mon groupe, à refuser ce texte qui malgré toute l’ambition de son titre, accouche d’une souris.

Je mesure à quel point la déception et la colère peut être profonde chez les agriculteurs de France qui avaient beaucoup d’espoir après les heures de co-élaboration dans le cadre des États généraux de l’alimentation.

Les députés communistes ont abordé le débat sur ce projet de loi avec certaines priorités  : vous permettre de vivre dignement du fruit de votre travail, redonner espoir à la jeune génération, mettre un terme à la course à l’agrandissement au profit d’une agriculture constituée de petites et moyennes fermes, pourvoyeuses d’emploi, et reconnaître la spécificité des outre-mer.

Malheureusement, le texte ne répond pas aux attentes ni inquiétudes les plus profondes sur la question du prix rémunérateur. Rien ne permet d’affirmer que les agriculteurs auront la main sur la définition des prix et obtiendront demain un revenu décent. La majorité a une nouvelle fois fait la démonstration de son dogmatisme en refusant le principe d’une loi qui régule, au niveau national comme européen. La proposition d’instituer des prix planchers pour garantir un revenu aux paysans a ainsi été repoussée tout comme celle de sanctionner l’achat d’un produit en dessous de son coût de production. La grande distribution et les industries de la transformation peuvent se frotter les mains  : aucune mesure ne vient en effet bousculer le rapport de forces actuel entre les géants de la grande distribution et de la transformation d’un côté, et les centaines de milliers de producteurs atomisés de l’autre.

Plus que jamais, ce texte confirme que les bonnes intentions et les discours ne suffisent pas. Nos agriculteurs vont demeurer la proie des logiques mortifères de la libre concurrence alors que 30 % d’entre vous gagnent moins de 350 euros par mois.

Sur la seconde partie du texte en débat, Gouvernement et majorité nous ont offert un florilège de mesures d’affichage qui n’étaient assorties d’aucune disposition d’accompagnement. Le texte fixe l’objectif louable de 50 % de produits bios ou du terroir dans les cantines d’ici 2022, mais la loi ne prévoit aucun dispositif d’accompagnement pour les communes et les familles défavorisées. C’est également le cas pour les mesures relatives au bien-être animal et aux produits phytosanitaires.

Nous avons pourtant démontré à quel point vous étiez souvent piège des logiques de dumping social et environnemental. Le groupe communiste a affirmé que nous ne pouvions sortir de ces difficultés avec des mesures symboliques, sans harmonisation européenne et sans mieux protéger les frontières de l’Europe. Discuter des phytosanitaires sans parler de la façon dont on accompagne concrètement nos agriculteurs relève de la gesticulation.

Nous sommes convaincus de l’exigence de sortir du glyphosate dans un délai de trois ans. Ce délai doit être tenu, mais la loi dont nous avons débattu et les amendements proposés en pleine nuit ne prévoient aucun plan de sortie pour les agriculteurs de nature à faciliter la transformation des modes de culture, ni de plan de soutien à l’Institut national de la recherche agronomique. Au bout du compte, cette loi ne prévoit pas les moyens de cette sortie du glyphosate en trois ans, et nous le déplorons.

Vous attendiez du concret, non des positions de principe sans lendemain soutenues à grand renfort de communication. Nous serons donc porteur auprès du Gouvernement de la demande suivante  : soumettre à la représentation nationale le plan de sortie du glyphosate promis, à la hauteur des défis du monde agricole, et nous le voterons à condition qu’il prévoie un accompagnement des agriculteurs et de la recherche fondamentale.

Un constat s’impose  : du côté des agriculteurs comme de celui des ONG, cette loi a failli aux attentes et aux espérances. Voici les questions que nous avons posé au Gouvernement  : « Où est passée la loi qui protège  ? Qu’est devenue la volonté qui animait les États généraux de l’alimentation  ? Pourquoi cette obstination à ne pas entendre la frustration et la colère de nos agriculteurs  ? »

La révolution promise n’est manifestement pas au rendez-vous. Il lui a été substitué un paquet de mesures de marketing, un écran de fumée destiné à camoufler les souffrances de la France rurale. C’est pour cette raison que nous avons voté contre le texte.

Je reste disponible pour continuer à porter vos revendications et je vous solliciterai sans doute prochainement pour discuter des enjeux relatifs à l’agriculture.